Petite fille ne soit pas triste
Je t’en prie résiste
Je sais ton enfance bafouée
Harcelée
Tes matins dévorés d’abandon
Les cons
L’indifférence des adultes
Les vacarmes, les tumultes
L’envie de crier
L’envie de crever
Toutes ces peurs dont tu as honte
Ta vie rêvée que tu racontes
Que tu t’inventes
Que tu m’inventes
Nos secrets
Petite fille qui ne me quitte jamais
Petite fille intérieure
Ma sœur
Jumelle qui ne grandit pas
Quand les années se ruent sur moi.
Et que ce temps qui nous sépare
Se barre
Petite fille ne soit pas triste
Je t’en supplie résiste
Tu sais que je vois tes blessures
Bien sûr
Tu les crois refermées
Consolidées
Juste une cicatrice
Mais dont les bords pâlissent
Se déchirent
Prêts à s’ouvrir
Au moindre faux pas
Voilà
Tu as eu zéro en maths
Patate
Le prof t’a humiliée.
Les autres rigolaient
Tes parents t’ont frappée.
Et toi, tu as encaissé
Je cherche des réponses à tes pourquoi
Et tu en fais de même pour moi
Mais si tu pouvais arrêter
De pleurer
Tes larmes inondent mon avenir
M’empêchent de grandir
Je me sens mal, tu vois
Et je ne t’aime pas
Tu étais laide et amoureuse
Affreuse
Lui en a profité
Des photos partagées
Commentées insultées
Et toi t’as encaissé
Tu as fermé ton cœur tes mains
Refoulé le chagrin
Fermé ta porte à la confiance
Aux illusions de l’enfance
Et tu m’as fait grandir dans ta détresse
Ta tristesse
Pourtant ce n’était rien
Non bien sûr rien
Petite fille, je te vois mal, tu te caches
Je me cache
Je ne peux plus affronter tes yeux
Les coups les bleus
Tes souffrances, tes rancœurs
Tes insomnies, tes peurs
Mes insomnies, mes souffrances
Mes rancœurs, mes absences
Petite enfant qui m’accompagne me suit
M’ennuie
À qui je voudrais un jour dire merci d’être moi
Merci d’être avec moi
Depuis tant d’années
De ne jamais m’avoir quittée
Malgré mes violences
Mes doutes, mes absences
Ma sévérité, ma haine de toi
Ma haine de moi
Peut-être enfin à l’aube de ma nuit
Au soir de ma vie
Pourrais-je m’entendre dire petite fille, je t’aime
Petite fille, je t’aime
Écrit par Dominique Bayard